Un instant avec un porteur de projet. À l’institut Solacroup, « On vient avec ce qu’on est »

L’institut Marie-Thérese Solacroup à Dinard propose des formations en numérique jusqu’au bac + 3 et une prépa-apprentissage. Ce dispositif est financé dans le cadre du Plan d’investissement dans les compétences (PIC) porté par la Délégation générale à l’Emploi et la Formation professionnelle (DGEFP). Un lieu d’apprentissage notamment adapté aux profils en situation de handicap invisible… dans un environnement hors du commun.

 

Parmi les participants à cette rencontre : Nicolas et Jérôme (formateurs), Marie-Claire (GREF Bretagne), Samantha, Nathan, Géraldine (Dreets Bretagne), Julien, Enzo et Nicolas. Crédit photo : GREF Bretagne

Nous entrons dans « le château ». C’est ainsi que les 80 jeunes nomment cet endroit où ils suivent la prépa-apprentissage ou les autres formations en numérique proposées par la structure Solacroup. Au loin, Saint-Malo et sa ville fortifiée. En bas des rochers, le sable et la mer, la côte d’Émeraude. Un cadre apaisant.

Catherine Legay, la directrice de l’institut, nous invite à échanger avec deux jeunes accueillis dans sa structure sur leur parcours, leurs envies, leurs rêves et pour certains, leurs colères. Au fil de la visite, d’autres jeunes ont à cœur de nous raconter leur parcours. Les profils sont très divers : des personnes de 16 à 35 ans, désireuses de se former et de s’orienter, des personnes ayant un profil « atypique » (autisme, haut potentiel intellectuel, troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité, troubles dys.)

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De dos, Ethan avec sa chienne Rosie, à sa gauche : Jérôme, Samantha, Alexandre, Aurore, Géraldine (Dreets Bretagne), Marie-Claire (GREF Bretagne), Clarisse, Julien, Enzo et Léon. Crédit photo : GREF Bretagne

Se découvrir par « le faire »

Samantha, 22 ans, commence à nous raconter son parcours. La jeune Belge, arrivée en Bretagne il y a maintenant deux ans, nous confie avoir ressenti un peu de peur en commençant la prépa- apprentissage.  Une peur liée au cadre nouveau et aux changements de vie qui en résultaient. Elle est venue ici sur les conseils de Pôle emploi et d’une Mission locale.

Auparavant mécanicienne, son séjour au sein de Solacroup l’aide à se projeter dans une autre voie qui lui redonne confiance. Avec un large sourire, elle nous évoque deux de ses stages en tant que maraîchère, puis palefrenière. Ce dispositif et son dernier stage lui permettront de se décider et de se lancer dans la recherche d’une formation en alternance pour aller au bout de son projet professionnel.

Dans le potager de l’institut, Samantha nous montre les clôtures réalisées par les jeunes et un formateur. Ici, chaque activité est une opportunité pédagogique. Faire un potager, c’est organiser la parcelle, semer, planter, récolter, mais aussi en cuisiner les fruits. Samantha nous explique que ce genre d’activité et cette pédagogie permettent : « de travailler tout seul et ainsi, de développer l’autonomie aussi bien que le travail en groupe. »

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Dans la serre, le bois et les matériaux de récupération qui ont permis de construire le potager. Crédit photo : GREF Bretagne

L’internat pour se recentrer

Comme la plupart des jeunes inscrits dans la prépa-apprentissage, Samantha est pensionnaire. Cette cohabitation leur permet de se retrouver dans des clubs après leur journée de formation, de créer du lien, de s’entraider et pour certains de trouver du soutien auprès des formateurs. Sans ces logements, certains jeunes auraient renoncé à rejoindre le dispositif.

Samantha nous parle du club de baignade qu’elle vient de créer avec un ami. Un des formateurs souligne que les clubs à l’initiative des apprenants sont ceux qui fonctionnent le mieux. Julien, un autre pensionnaire, y apprécie « la vie de famille, sans jugement. » Il poursuit : « on vient avec ce qu’on est. »

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Le « château » et sa terrasse face à la mer, un cadre exceptionnel. Crédit photo : GREF Bretagne

S’adapter aux besoins des jeunes

Justement, Ethan, un des résidents, nous présente Rosie sa chienne dont il ne se sépare jamais. Soutien émotionnel, elle a aussi appris à détecter chez son maitre son anémie d’une hormone essentielle dans la régulation des humeurs. Ethan voudrait être sportif de haut niveau dans les sports extrêmes… ou œnologue puisqu’il a une hypersensibilité sensorielle et qu’il aime le vin.

De son côté, Samantha nous confie posséder un rongeur qui l’aide à gérer ses émotions.

S’adapter aux besoins des jeunes, c’est aussi accompagner. Nicolas, un des formateurs, était absent lors de cette visite. Il accompagnait le jeune Nathan, pour son premier jour de stage. Un accompagnement pour faciliter l’insertion du stagiaire dans l’entreprise. Autre exemple : alors que c’est la période des examens, Jeanne est aux petits soins des candidats. Elle les rassure et élabore, entre autres, des outils de planification. Jeanne est médiatrice et accompagnatrice des stagiaires aux profils atypiques. Elle voit sa mission comme celle d’une interprète. Elle fait le lien entre les formateurs, l’équipe et les apprenants.

Clarisse, une autre pensionnaire, se joint à nous. La femme de 25 ans est arrivée il y a à peine une semaine dans l’institut, rejoignant ses deux frères. Elle n’évoque que peu son parcours personnel. Mais elle nous partage ses colères, très éclairées d’arguments politiques et économiques. Juste à côté, Enzo, 17 ans, affirme sans complexe, mi-amusé, mi-sérieux qu’il ne comprend pas un mot de son discours.

Du côté des formateurs, les parcours sont aussi variés et atypiques. Pour l’institut, c’est une richesse et une manière de montrer que chaque profil a du potentiel.

 

Des formateurs aux parcours singuliers

« On vient avec ce qu’on est », c’est aussi pour les formateurs qui accompagnent ces jeunes. Jérôme est l’un d’entre eux. Promis à une carrière de footballeur, il doit renoncer à son rêve par suite d’une blessure. Il ne sera pas non plus professeur de sport, mais professeur des écoles à Mayotte. Impliqué dans une compagnie de cirque, secouriste au Maroc, puis facteur une fois revenu en France, plongeur, livreur, il enchaîne les casquettes jusqu’à sa rencontre avec l’institut Marie-Thérèse Solacroup. Depuis, il s’épanouit dans l’insertion professionnelle.

Son collègue Léon a étudié le chinois, puis l’ethnologie au Canada. Mais, il devient compositeur de musique pour une compagnie de théâtre, par la suite professeur de musique et, chef de chœur. Il travaille désormais en binôme avec son collègue Nicolas. Les deux formateurs veillent à ce que ces jeunes puissent se relever de leurs parcours parfois chaotiques et, tout comme eux, trouver l’un des chemins vers leur insertion professionnelle.

Avec la contribution de Géraldine Blanchet-Clisson de la Dreets Bretagne.

Aller plus loin

Visionner le webinaire Voix de l’insertion # 2,

Publié le  
Avec le témoignage de Charlotte Gallard, Chargée de recrutement emploi/entreprise