Métiers du conseil et de la finance. Des programmes pour accompagner l’évolution de carrière des femmes

Si les effectifs sont aujourd’hui relativement mixtes dans les métiers du conseil et de la finance chez les juniors, les femmes disparaissent au fur et à mesure que l’on monte dans la hiérarchie. Pourquoi ? Pour Isabel Boni-Le Gof, enseignante-chercheuse à l’université de Lausanne et spécialiste du secteur du conseil, si ces secteurs très concurrentiels sont difficiles pour tous, ils le sont encore plus pour les femmes.

En effet, le « bon expert » doit être à la fois compétent et capable de construire une relation intime, de confiance avec son client. « Face à cette double injonction, les consultantes doivent faire un effort spécifique pour que le cadre de l’interaction soit le plus maîtrisé possible, pour neutraliser le genre. Cela passe par l’apparence physique, vestimentaire, la façon dont elles parlent et se tiennent… Au bout de 5 ans de carrière, une succession de petites épreuves quotidiennes qui s’accumulent, un poison sur la durée », assure-t-elle.

Dans la finance, « les compétences qui comptent sont celles dites masculines, genrées, valorisées par les hommes et un milieu bourgeois : capacité à manier les chiffres, le calcul, la rapidité d’exécution, la compétitivité, […] une grande confiance en soi. Je ne veux pas dire que seuls les hommes ont ces traits, mais ils sont socialement construits comme masculins, donc on va considérer que les femmes y sont moins bonnes », détaille Valérie Broussard, professeure de sociologie à l’université Paris-Nanterre et auteur de recherches sur le secteur.

D’autre part, les professionnels de ces 2 secteurs doivent souvent être très disponibles, tard et être mobiles géographiquement. Ces freins sont réels pour les femmes au moment de la maternité mais ils ont aussi imaginés « car les femmes sont pensées comme moins disponibles, même quand elles le sont », précise Valérie Broussard.

A quel moment la carrière des femmes du conseil et de la finance bascule-t-elle ? La charnière semble être la trentaine. La cooptation et la réputation jouent un grand rôle dans l’évolution de la carrière. Elles reposent beaucoup sur les relations informelles avec les collègues, relations auxquelles les femmes semblent moins associées que leurs confrères. Si des femmes parviennent aux hautes sphères, c’est en se calquant sur les normes exigées, constate Valérie Broussard (vocabulaire dur, attitude physique spécifique…). Par ailleurs, elles n’ont souvent pas d’enfants ou un conjoint qui peut s’en occuper.

Les entreprises des 2 secteurs luttent contre cette désaffection féminine en lançant des programmes. PwC France a créé « PwC Seed » pour aider les femmes à gravir les échelons. Depuis 2010, KPMG propose un programme similaire à une quarantaine de femmes. Deloitte a, pour sa part, revu son processus de cooptation au grade d’associé en mettant en place un comité dirigé par une femme et composé de binômes femme-homme pour examiner les candidatures. En parallèle, les écoles de commerce réalisent aussi un travail de sensibilisation pour attirer les filles vers la finance ou le conseil, filières où elles sont les moins présentes.

Ces programmes d’accompagnement des femmes dans leur évolution de carrière permettent également de libérer la parole des hommes qui sont de plus en plus nombreux à demander une meilleure conciliation vie professionnelle/vie familiale.