Seniors et emploi : persistance des discriminations et des stéréotypes
Les évolutions démographiques, l’entrée plus tardive dans la vie active ou encore les réformes successives des retraites induisent une plus forte présence des seniors sur le marché du travail. Sont-ils pour autant bien insérés ? Rencontrent-ils des discriminations ? Une enquête du Défenseur des droits et de l’Organisation internationale du travail (OIT) fait le point.
L’enquête, menée courant avril 2024 auprès de 2 284 personnes âgées de 18 à 65 ans, met en lumière les stéréotypes âgistes entourant les seniors et les difficultés rencontrées par ces derniers. Elle donne également des pistes pour agir.
Si le taux d’emploi des seniors a presque doublé entre 1998 et 2021 pour désormais atteindre 25 %, ces derniers font toujours face à de grandes difficultés pour décrocher ou se maintenir en emploi. En effet, leur probabilité d’embauche est deux fois inférieure à celle des 30-49 ans et seul un tiers des demandeurs d’emploi de 50 ans et plus réussit à se réinsérer professionnellement. Par ailleurs, en 2021, près d’un senior sur six n’est ni en emploi, ni en retraite.
Les préjugés sur l'âge dans le monde professionnel : état des lieux
L’enquête révèle la persistance de stéréotypes liés à l’âge dans le monde professionnel. Ces préjugés, partagés par de nombreux actifs, incluent des idées reçues sur l’inadaptabilité, la baisse des performances et la faible intégration des seniors dans les équipes. Parmi les stéréotypes les plus courants, on trouve :
- La difficulté d’intégration dans des équipes plus jeunes ;
- un supposé manque d’adaptation aux nouvelles technologies ;
- une résistance présumée aux changements organisationnels ;
- des perceptions sur l’investissement (limité ou trop coûteux) ;
- des préjugés concernant la performance et la motivation.
Paradoxalement, l’expérience, le savoir-faire et la conscience professionnelle des actifs de 50 ans et plus sont largement reconnus comme des atouts. Cette contradiction souligne la complexité des perceptions liées à l’âge dans le milieu professionnel.
L’impact des discriminations sur les seniors
Ces discriminations contribuent à renforcer leur isolement, dégradent leur santé mentale et sont susceptibles de conduire à des ruptures. 18 % des seniors déclarent avoir démissionné ou négocié leur départ à la suite de discriminations et 17 % ont été licenciés ou n’ont pas vu leur contrat renouvelé. Les difficultés de retour à l’emploi peuvent également entraîner un déclassement professionnel et social. Plus de la moitié des seniors au chômage (56 %) déclarent avoir déjà postulé à un emploi en dessous de leurs compétences.
Un tiers des seniors expriment des inquiétudes sur leur parcours professionnel, et 20 % affirment travailler dans la crainte de perdre leur emploi. Une anxiété plus marquée dans le secteur privé.
Prévenir et lutter contre l’âgisme
Le Défenseur des droits rappelle le rôle dévolu à l’employeur : celui-ci est « responsable de la santé et de la sécurité de ses salariés et garant de la démarche de prévention et de santé au travail et de sa mise en œuvre ».
Parmi les salariés de 50 ans ou plus ayant évoqué avec leur employeur les difficultés au travail, seul un sur deux considère que ce dernier a été à l’écoute. Quant aux victimes, tous âges confondus, un tiers d’entre elles n’ont entrepris aucune démarche pour dénoncer les faits.
Par conséquent, le Défenseur des droits invite les employeurs à prévenir et sanctionner les discriminations dans l’emploi en veillant particulièrement à centrer leurs pratiques d’embauche, de promotion et de formation professionnelle sur les aptitudes et les capacités des personnes.
Parmi ses recommandations sont notamment citées :
- La nécessité d’un accès à l’information sur les droits ;
- la conduite de campagnes de sensibilisation ;
- l’instauration de dispositifs pour signaler les discriminations ;
- la mise en place de mesures adaptées aux enjeux de pénibilité et de santé au travail.
Par ailleurs, les personnes victimes de discriminations peuvent bénéficier d’une écoute et d’un accompagnement gratuit auprès des délégués départementaux du Défenseur des droits.