L’impact de la loi de 2018 sur le financement des CFA/OFA : défis et stratégies

Quels sont les impacts de la réforme de 2018 sur les modèles économiques et les stratégies d’optimisation des coûts des organismes de formation par apprentissage (OFA) ?
Une étude de France Compétences, publiée en décembre 2024, fait le point.
La loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de 2018 a libéralisé le marché de l’apprentissage et modifié le système de financement des organismes de formation proposant ce dispositif. Conséquence de ces changements : les CFA/OFA sont passés d’une logique de subvention publique à une logique d’investissement. Ils opèrent également, désormais, dans un marché de plus en plus concurrentiel qui a vu l’arrivée de nouveaux acteurs.
Comment se sont-ils adaptés à ce nouvel environnement ? Quelles stratégies d’optimisation financières et pédagogiques ont-ils mis en place ?
Réalisée par Sauléa pour France Compétences, une étude, publiée en décembre 2024 et menée auprès de 67 organismes entre 2022 et 2024, apporte des éclairages sur les modèles des organismes de formation par apprentissage (OFA). Elle doit aussi permettre, à terme, « d’éclairer la décision publique sur les ajustements des règles qui président à la fixation des niveaux de prise en charge par contrat (NPEC) et plus généralement sur les arbitrages à opérer dans le champ des politiques d’apprentissage ».
De multiples facteurs concourent à l’augmentation des charges des CFA/OFA
La réforme du financement des organismes de formation par apprentissage (OFA) a généré, chez ces derniers :
- L’augmentation des frais salariaux (nouveaux formateurs, postes support, notamment en lien avec la certification Qualiopi) ;
- Des investissements matériels croissants (équipements, plateaux techniques, énergie) ;
- Le renforcement des dépenses de communication et de sourcing ;
- Une hausse des coûts d’accompagnement social et professionnel des apprentis, en raison, notamment, de la grande diversité des publics : jeunes majeurs de moins de 30 ans, publics allophones…
Ces transformations obligent les organismes à repenser leur modèle économique pour maintenir leur compétitivité et la qualité de leurs formations.
Les stratégies d'adaptation et d'optimisation
Face à ces défis, les OFA ont développé diverses stratégies :
- Augmentation de la capacité d’accueil des apprentis ;
- Élargissement de l’offre de formation avec, dans certains cas, une logique de filière ;
- Adoption de nouvelles pratiques pédagogiques, comme l’enseignement à distance ou la réalité virtuelle. De nombreux CFA n’y ont toutefois pas recours en raison des défis liés à l’accès aux outils numériques ou de l’inadaptation de ces outils aux enseignements pratiques où le geste prédomine, par exemple ;
- Recours à l’intelligence artificielle pour la construction d’examens et de supports pédagogiques ;
- Mutualisation des ressources, particulièrement dans les OFA multisites pour la communication, la formation à distance ou la certification Qualiopi ;
- Mise en place de stratégies budgétaires pour contrebalancer la baisse des niveaux de prise en charge (NPEC) des coûts contrats. Exemple : ouverture de sessions dans les secteurs tertiaires ou supérieurs pour rééquilibrer des sessions plus coûteuses, positionnement sur des contrats régionaux ;
- Diversification des sources de financement (subventions publiques, recours au système bancaire) ;
- Mobilisation des investissements pour sécuriser l’avenir des structures et améliorer la qualité des formations délivrées.
Quels sont les effets de ces stratégies sur la qualité de la formation ?
Les adaptations mises en place par les CFA/OFA ont des effets ambivalents sur la qualité de la formation :
- La procéduralisation et la spécialisation des activités peuvent améliorer l’efficacité opérationnelle. Cependant, ces pratiques risquent de standardiser les approches pédagogiques au détriment de l’individualisation des parcours. Par ailleurs, si la procéduralisation devient trop complexe pour les apprentis ou les usagers, elle peut entrainer un non-recours aux services proposés ou même une rupture dans le parcours d’apprentissage ;
- Une minorité de CFA/OFA ont pris des mesures pour baisser les coûts d’accompagnement en optant pour une sélection rigoureuse des apprentis afin de réduire les ruptures de contrat, ou en déléguant l’accompagnement aux acteurs institutionnels de droit commun sans nécessairement proposer un suivi individualisé ;
- La généralisation maximale de l’enseignement à distance autoporté et asynchrone avec peu de formateurs dédiés ou un travail en binôme d’apprentis sur des postes coûteux sont des méthodes très efficaces pour réduire les coûts. Cependant, leurs impacts sur la qualité de la formation questionnent.
La soutenabilité financière de l’apprentissage, au cœur des priorités 2025 de France Compétences
En 2025, le système de l’apprentissage devra trouver la voie de sa soutenabilité financière. « L’apprentissage et sa régulation seront des sujets stratégiques, [cette année, pour France Compétences]. Nos études traiteront tout particulièrement de la qualité des parcours sous différents angles. Il est important d’objectiver les enjeux afin de nourrir les débats sur de bonnes bases », indique Béatrice Delay, cheffe de projet à la direction observation et évaluation de France compétences, au Centre Inffo, le 15 janvier 2025. Deux études qualitatives devraient être consacrées, cette année, à la pédagogie de l’alternance, précise-t-elle.